Ioana,
Waouh ! Notre séjour à bord du catamaran des Biquets, sera à tout jamais un souvenir mémorable. La gentillesse de nos capitaines, la découverte des polynésiens, la majesté des paysages resteront dans nos coeurs. Mais revenons au début.
Vendredi 11/11, à l’aéroport de Papeete, nous attendons notre appel dans la seule salle d’embarquement, avec nos boarding-pass sans numéros de siège indiqués. Pour le vol de Bora-Bora, les passagers se précipitent devant l’hôtesse, nous pensons qu’ils désirent des sièges avec hublot. A notre annonce, nous faisons de même, nous courrons et arrivés les premiers, nous nous retournons, personne ! Nous sommes les seuls ! L’archipel des Tuamotu n’est pas une destination ordinaire, la vie là-bas n’est pas facile. Un moment après, une femme «locale» nous rejoint. On traverse à pied l’aéroport, un petit avion de la compagnie Air Archipel, nous attend ! 8 places ! Un siège de chaque côté de l’étroite allée, c’est sûr on aura tous un hublot ! Assis, nous touchons le plafond. Le pilote et son co montent par la même porte que nous, la seule, et s’enfilent dans leur petit cockpit. Aucune cloison nous sépare d’eux, nous assistons aux réglages. Pas d’hôtesse, il n’y a pas la place. Les bagages sont au fond, derrière nous. On décolle et la vue extraordinaire commence déjà. Nous pouvons voir Tahiti avec sa barrière de corail, digne d’un poster, la mer à perte de vue. Malgré la légèreté de notre appareil, le vol est confortable. Nous quittons l’archipel de la Société pour les Tuamotu, nous apercevons Kaukura, et nous atterrissons sur la toute petite piste de l’atoll d’Apataki.
Pascale et Philippe nous attendent, tout sourire, avec des colliers de fleurs. Ils n’ont pas pu amarrer leur voilier au bout de la piste d'atterrissage comme prévu, car le vent est contraire, ils se sont ancrés plus loin et sont venus avec le bateau à moteur de Papi. Notre départ est retardé car notre deuxième sac n’est pas dans la soute, il a été retenu à Papeete afin de favoriser le fret local. Par chance nous sommes un jour férié, et il y a deux vols aujourd’hui, en sachant qu’habituellement il y a seulement 3 vols par semaine. Nous devons attendre quelques heures. Papi nous invite à partager un plat de pâtes. Nous traversons le petit village, presque pas de voitures, des petites maisons en tôle, un seul magasin dévalisé. Il a été ravitaillé il y a deux jours... le manque de frigo l’oblige à ne pas faire de stock. Puis le bruit des réacteurs annonce notre deuxième bagage. Nous partons rejoindre le catamaran. Des dauphins viennent escorter notre embarcation, quel beau comité d’accueil.
Voyage, le bateau des Biquets est ancré sur un autre motu de l’atoll d’Apataki, en face du carénage d’Alfred (fils de Papi) et Pauline, et leur fils Tony. Ils nous reçoivent avec la fameuse hospitalité et gentillesse polynésienne. En plus du chantier de carénage pour bateaux, ils exploitent une ferme perlière.
Nous montons à bord du catamaran. Les Biquets nous expliquent avec attention et gentillesse, la vie à bord et ses exigences. Un désalisateur assurera de l’eau douce, mais il fonctionne au moteur et il est très difficile de se ravitailler en gasoil. Rationnement obligatoire. Pour se laver, la mer sera notre baignoire et un simple jet d’eau claire pulvérisée assurera notre confort. Nos deux cabines confortables sont dans la coque bâbord, séparées d’un WC-lavabo. Pendant la navigation, nous devrons rester dehors sur le cockpit, pour ne pas gêner et être gênés par le mal de mer. Pascale a acheté il y a un mois à Papeete, des fruits et légumes, denrées exceptionnelles ici, qu’elle conserve jalousement et fièrement dans son frigo. Nous prenons place dans notre nouvel habitat pour 14 jours.
Nous avons passé trois jours chez Alfred. Ils nous ont emmenés sur leur barque à moteur pour relever des nasses d’huitres perlières. Avec masque et tuba, nous sautons dans l’eau depuis la barque, pour regarder leur travail. Sur le ponton, Tony ouvre les huitres avec dextérité et retire de chacune une perle. On nous explique avec précision, les différences, les particularités et la valeur de ces perles noires, blanches ou grises, irisées de vert, de bleu et de rouge.
Nous avons péché avec eux, au fil, depuis la barque, pendant que Tony chassait sous l’eau, au fusil harpon, et rapportait les plus belles prises, perroquet, carangue, nason, mérou marbré. Nous avons diné avec eux, menu langouste ! Ici c’est commun, il y en a plein le platier (zone de récif côté océan) !
Nous avons discuté avec les navigateurs qui travaillaient sur leurs bateaux sortis de l’eau pour réparations, et ainsi côtoyé des aventuriers qui sont partis depuis....euh ! (et on les voit calculer dans leur tête !) et ne pense pas revenir en métropole, avant .... euh.!!! Ils vivent en couple ou en famille avec de jeunes enfants, comme Philippe et Sandrine, partis depuis sept ans, avec leurs petites filles, CNED le matin, ou José et Fanfan qui parlent à leurs petits-enfants sur Skype, ou comme les Biquets partis il y a 17 ans, après démissions de leurs postes et vente de la maison.
Ils nous impressionnent par le choix d’une autre vie, le besoin de conquérir encore plus loin. La fonction temps n’est plus la même, les priorités sont différentes, le voilier a ses exigences et le vent a toujours raison. Ce sont de vrais aventuriers car ils doivent se débrouiller seuls constamment avec la peur de la panne, de casser le bateau, de tomber à la mer comme les copains, ou de ne rien trouver à manger pendant plusieurs semaines. La femme, comme l’homme, sait naviguer, réparer, porter, elle doit savoir tout faire. Les conversations fusent sur monocoque ou multicoque, les récits de navigation aux Galapagos, Gambier, Suez, Antilles, l’océan à traverser, les plus du nouveau winch, et du choix de la meilleure route. Le retour c’est d’abord une peur, quatre murs après une vie entièrement dehors, et les contraintes d’une vie citadine ne sont plus envisageables. Ils savent qu’ils se sont marginalisés, et que ce sera difficile de revenir. Nous les écoutons les yeux grands comme des soucoupes, leurs aventures ont le goût du rhum que nous dégustons avec du jus de fruit.
Nous avons eu plaisir à discuter avec Papi, pasteur de son état, qui nous regarde avec de doux yeux, et nous parle de Dieu amour et paix, comme on devrait nous l’enseigner. ll donne à manger à un requin dormeur qui vient devant chez lui depuis huit ans. Certains jours il va à la pêche uniquement pour nourrir ce requin. Nous pouvons le caresser, il est tout doux, lui aussi.
Nous les quittons avec regret, leur gentillesse est sincère, ils sont intéressants et intéressés, ils nous raccompagnent jusqu’au ponton, et chantent avec nous.
Le lundi matin, nous levons l’ancre, première navigation, 8 heures, pour rejoindre l’atoll de Toau, la mer est belle, 2 mètres de creux. Nous mouillons à une bouée, en face de chez Gaston et Valentine, seulement cinq voiliers sont là. Nous dinons sur le bateau et nous dansons sur le trampoline au son de Michael Jackson. Le lendemain, snorkeling devant leurs immenses casiers à poissons, qui nous permettent de voir des espèces différentes, toutes plus belles les unes que les autres. Gaston a chassé les requins pointes noires de son casier, en les piquant avec un harpon rudimentaire mais efficace. Son geste est beau et fort, il se bat avec un récalcitrant pendant une dizaine de minutes, au risque de se faire mordre.
Le mercredi matin, nous reprenons la mer, pour le sud de l’atoll. La passe est difficile, la passe c’est à dire l’entrée du lagon. Les Biquets calculent la meilleure heure d’arrivée dans la passe pour éviter au maximum, les courants entrants ou sortants du lagon, car ils forment ce que l’on appelle un mascaret, le vent contre le courant forme des vagues de fortes amplitudes qui peuvent être très dangereuses. Tous ces calculs sont faits auparavant en fonction du lever et du coucher de lune, de la météo, logiciel à l’appui, vive l’informatique. Deux autres voiliers monocoques amis et invités par les Biquets, font la route avec nous. L’atoll est extraordinaire, les palmiers se détachent sur un ciel bleu azur, du bleu turquoise entoure la plage blanche. Aucun voilier, personne ne vient là, la navigation est réputée dangereuse. Une seule personne vit ici, chez lui, en Robinson Crusoe, c’est Kent avec sa femme Lowaina, et son quatrième garçon âgé de deux ans. Nous sommes très bien accueillis, le dernier bateau de popas (blancs) a accosté il y a huit mois !!! Ils vivent, mangent dehors, une simple "baraque" pour protéger quelques affaires. Ils dorment à la belle étoile, un lit surélevé avec une bâche en baldaquin, au cas ou. Ils font tout pour nous faire plaisir, et nous répètent que si nous sommes heureux, eux le sont doublement.
Nous sommes restés quatre jours, à discuter, à se baigner, à ramasser des noix de coco et des coquillages, à chasser le crabe, à faire des feux de camp où l’on partage la nourriture, à chanter en polynésien et en français, à pêcher nos repas. Nous rions quand Kent nous apprend à danser, et pleurons quand Jean nous parle de son papa, nous jouons à la pétanque avec des noix de coco, nous dégustons du poisson cru mariné, nous apprenons à tresser les palmes de palmier. Nous ne sommes plus les mêmes depuis, une partie de nous a préféré rester là bas. Les filles sont épanouies, elles chantent et dansent constamment, nous avons tous les quatre le sourire, nous sommes à trente centimètres du sol, nous avons gouté au paradis.
Nous ne remercierons jamais assez les Biquets, de nous l’avoir fait connaître, d’avoir approché Kent avec autant de tact, afin qu’il accepte les autres "blancs".
Le dimanche nous repartons, avec la petite famille qui veut consulter au dispensaire pour le petit. Nous partons pour Fakarava. 30 miles, vitesse 4-8 noeuds, des creux de 2,50 mètres. Pendant la traversée, nous laissons des hameçons à la traine, et au moment le plus difficile de la passe, nous avons une touche, mais impossible de s’en occuper. Nous attendons d'entrer dans l'atoll et nous retirons... une tête de thon, le reste a été dévoré par des requins qui nous suivent pendant un moment, se ruent et se battent pour finir "leur" pêche. Impressionnant ! Le soir nous profitons d’un restaurant, pour manger steak-frites, un régal après tous ces poissons-crustacés. Kent nous reçoit chez ses parents, le petit a été vu par un infirmier, et tout va bien.
Le mardi, nous partons en excursion à la passe sud de Fakarava, renommée pour être le 3ème meilleur spot de plongée au monde. Nous partons avec un bateau rapide (200 cv) pour 1 h et demie de trajet. Entre temps, nous pêchons notre repas, les requins gris alertés par le bruit du fusil harpon arrivent très vite. Viviane et Denis sautent à l'eau quand même. Sur place, le courant est très fort, voir dangereux, impossible sans palme et sans être un bon nageur. Nous sommes, à notre plus grand plaisir, encadrés par de magnifiques polynésiens Maké-Maké et Henry, costauds, bronzés, tatoués et très gentils. Nous faisons une dérivante, c’est-à-dire qu’en se postant au début du courant, nous nous laissons flotter, en regardant les fonds qui défilent comme un tapis roulant. Grâce à nos deux garde-du-corps, nous pouvons profiter pleinement du spectacle qui est extraordinaire, une multitude d’espèces, de tailles, de grandeurs, de couleurs. Des requins à pointe noire, pas trop dangereux mais impressionnants, croisent autour de nous, il y en a une vingtaine. Un énorme napoléon met en déroute les petits poissons. Une nuée de petits poissons bleus, des labres échiquiers, sont brillants comme s’ils avaient avalés une lampe, deux chirurgiens bagnards noirs tournent à qui se mordra la queue, des raies léopard et des raies armées timides disparaissent dans le fond. Les idoles maures, les poissons clowns, les poissons trompettes et flûtes, quelques murènes agressives, les magnifiques balistes picasso qui portent bien leur nom, les parapecis à taches brunes, une multitude de perroquets tous différents et très colorés, les demoiselles à trois bandes bien connues des aquariums, les nasons appelés Pinocchio pour leur grand nez, les surmulets à ligne jaune, tous jaunes avec une tache noire au milieu de leur corps, les papillons cochers, et les papillons à deux selles, les carangues que nous avons péchées. Et tous les coquillages accrochés au corail, comme les merveilleux bénitiers avec leurs lèvres bleues, violettes, noires, dorées.
Nous déjeunons notre pêche sur barbecue, et partons à la plage de sable rose, où nous barbotons dans une eau à plus de 30°, avec Ipod et Hinano (bière de Tahiti). Le décor nous rappelle le film La Plage, on connaît maintenant le sens du mot paradisiaque.
Le mercredi, nous disons au revoir à nos amis-voiliers, à Patrick et Annie, à Jean et Monique, que nous reverrons surement car ils ont une maison à une trentaine de km de chez nous. Puis avec beaucoup d’émotion, nous embrassons Kent et sa famille, ils repartiront dans quelques jours sur leur île, nous leur souhaitons beaucoup de chance, ils en ont besoin pour vivre comme ils l’ont choisi. Les Biquets nous emmènent dîner dans un restaurant au bord de mer, des requins nagent dans très peu d’eau juste à nos pieds, la terrasse est décorée à base de coco et de coquillages, le patron nous sert en paréo, le rhum est frais et sucré. Demain nous partons et nous sommes émus.
Le lendemain, Jean Marie, pompier à l’aérodrome de Fakarava, nous prend en stop. Grâce à lui, nous pourrons monter dans la tour de contrôle et voir notre avion atterrir. Nous embrassons les Biquets, les larmes aux yeux. Pourrons-nous un jour, revenir, remonter à bord de Voyage ? Dieu seul le sait.
Demain Huahine mais ce sera une autre histoire.
Nous avons commencé à charger nos nombreuses photos de notre croisière, mais la qualité de notre wifi ne nous permet pas des enregistrer totalement, revenez sur ce lien pour visualiser les plus récentes : http://crazyappfactory.com/worldwide/index.php/24-novembre
Galerie Santiago / 6 novembre : http://crazyappfactory.com/worldwide/index.php/6-novembre
Galerie Ile de Paques / 7 novembre : http://crazyappfactory.com/worldwide/index.php/7-novembre
Galerie Les Moais / 9 novembre : http://crazyappfactory.com/worldwide/index.php/9-novembre
1 commentaire:
Bonjour à tous,
C'est avec un plaisir nostalgique que je lis votre
message, Patrick mon mari était le pilote d'Air
Archipel durant les 6 dernières années de sa
carrière, et tout ce que vous avez vu, je le
revois avec vous, c'est un vrai bonheur.
Je crois qu'on n'oublie jamais la Polynésie
Cordialement
Danièle BERARD.
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